Aider les apprenants à l’ère du numérique : l’IA au cœur de l’accompagnement à l’Université TÉLUQ
Depuis le début de ce dossier spécial sur l’intelligence artificielle, notre objectif est d’éviter de tomber dans le sensationnalisme et offrir une information nuancée sur les réels impacts (ou l’absence d’impact) de cet outil omniprésent sur la vie des apprenants. Dans ce dernier article, nous revenons sur notre discussion avec Patrick Plante, professeur à l’Université TÉLUQ, un expert qui maîtrise à la fois les enjeux de l’enseignement à distance et les transformations que l’IA pourrait y apporter.
TÉLUQ : l’université qui redéfinit l’apprentissage
Si vous n’êtes pas familier avec l’Université TÉLUQ, voici une brève présentation. Fondée il y a plus de cinquante ans, cette université québécoise a été pensée dès ses débuts pour offrir un accès élargi aux études universitaires grâce à un modèle entièrement à distance. Inspirée de l’Open University britannique, la TÉLUQ adapte constamment ses programmes pour proposer une alternative flexible à celles et ceux qui, par choix ou par nécessité, ne peuvent fréquenter une salle de classe traditionnelle. De ce fait, le profil des 20 000 apprenants qui optent cet établissement est plutôt loin de l’universitaire « typique ».
- 74 % des étudiants sont des femmes
- L’âge moyen est des étudiants est de 37 ans
- 69 % des étudiants ont plus de 35 ans
- 90 % étudient à temps partiel
- 29 % sont admis sur une base expérientielle
Petit fait intéressant : une personne sur deux affirme qu’elle n’aurait pas poursuivi d’études universitaires si la TÉLUQ n’existait pas !
En revanche, cette diversité d’étudiants exige une flexibilité constante, et il faut le dire, c’est un véritable défi. Les parcours sont variés et les besoins aussi. Certains découvrent l’université pour la première fois, d’autres jonglent entre obligations professionnelles, familiales et personnelles. À cela s’ajoutent parfois un manque de motivation ou un sentiment d’isolement. Autant de réalités que le personnel de la TÉLUQ doit prendre en considération pour soutenir la réussite de ces apprenants… à distance !
La création d’un projet pilote
Pour relever ces défis, la TÉLUQ a récemment lancé un projet pilote en intelligence artificielle, conçu non comme un outil promotionnel, mais comme un levier concret au service de l’accompagnement et de la réussite étudiante.
- Première étape (2023)
Un agent conversationnel (chatbot) a été intégré à certains cours de premier cycle. L’objectif était d’explorer le terrain, d’observer les réactions des étudiants et d’identifier les premières pistes d’amélioration.
- Deuxième étape (2024)
Le dispositif a été renforcé. L’agent conversationnel a cette fois été intégré aux activités pédagogiques de cours de deuxième cycle, offrant des interactions plus poussées. Les requêtes des étudiants, anonymisées, sont désormais collectées afin de mieux comprendre les usages et les besoins. D’ailleurs, l’ensemble de l’outil a été conçu dans le strict respect des réglementations en matière de protection des données, ce qui contribue directement à instaurer un climat de confiance auprès des étudiants.
- Troisième étape (en cours de lancement)
Un assistant virtuel dédié à l’accompagnement dans la réalisation de travaux méthodologiques (essais, mémoires, etc.) est actuellement en déploiement. Conçu pour offrir un soutien immédiat, bienveillant et surtout sans jugement, l’outil se veut un véritable partenaire d’apprentissage. Un peu à la manière d’un collègue sympathique toujours disponible pour répondre aux interrogations !
Attention ! Il ne s’agit pas ici de « déléguer » l’apprentissage à l’IA. Le cœur du projet réside dans l’accompagnement ; d’aider l’étudiant à clarifier les consignes, à mieux comprendre les concepts, mais sans jamais fournir les réponses. Par exemple, lorsqu’une question touche un sujet d’examen, l’agent conversationnel ne donne pas la solution, mais oriente plutôt la personne vers des pistes de révision ou la méthode à suivre.
Tout n’est pas sans défi. L’un des obstacles majeurs demeure le manque de rétroaction. Par prudence ou par méconnaissance, certains étudiants hésitent encore à utiliser pleinement les outils d’IA ou à participer aux enquêtes. À cela s’ajoute la rapidité d’évolution des technologies qui impose une adaptation continue.
En conclusion
Ce projet pilote démontre que l’intelligence artificielle peut contribuer de manière significative à la démocratisation de l’éducation, au renforcement de la motivation et à la réduction d’obstacles concrets à l’apprentissage. Toutefois, ils rappellent également l’importance d’une réflexion éthique et pédagogique rigoureuse, afin d’éviter les dérives d’une automatisation déshumanisée.
Patrick Plante imagine un avenir où l’IA sera mieux intégrée à l’écosystème d’apprentissage, non pour substituer l’humain, mais pour enrichir l’accompagnement à distance. Car si l’IA peut offrir un soutien instantané et personnalisé, elle ne remplacera jamais la relation humaine. C’est, selon lui, un élément clé qui favorise l’engagement et la réussite. L’enjeu est donc de créer des synergies durables entre outils numériques et présence humaine. De permettre aux étudiants de bénéficier d’un accompagnement immédiat et personnalisé, tout en gardant le lien essentiel avec les enseignants et les tuteurs.
Pour écouter notre échange complet avec Patrick Plante : épisode #6 de notre balado « IA : Innovation & Apprentissage »